Comment se portait la générosité cette année ?
Autour de cette fin d'année, les fundraisers tentent de faire dans leur propre association le bilan des résultats de la générosité de l'année écoulée, afin de planifier encore mieux l'année prochaine. Quelques journalistes nous posent également la question à cette époque, par rapport à l'ensemble du secteur, dans le cadre de la revue annuelle de leur journal. En plus de déterminer si la tendance est à la hausse ou à la baisse, chacun aimerait aussi savoir si un événement tragique ou heureux au cours de l'année écoulée a eu un impact sur le comportement des donateurs, si oui lequel.
Malheureusement, des données plus ou moins fiables sur la générosité dans notre pays ne sont disponibles qu'avec un retard d’un an. Sur la base de rares données objectives et de quelques extrapolations de sondages, ce n'est que maintenant, fin 2022, que les grandes tendances de la générosité en 2021 deviennent visibles.Et comme à son habitude depuis de nombreuses années, Hugues d'Ydewalle (photo) de Fundraisers Forum, avec la collaboration de l’AERF, publie son baromètre de la générosité de 2021.
Voici quelques observations complémentaires aux analyses et commentaires de Fundraisers Forum.
Revenons d'abord un instant sur 2020, l'année de l'épidémie de Corona et des premiers confinements stricts. Malgré la crainte largement partagée d'une baisse importante de la générosité, nous avons néanmoins pu observer une augmentation moyenne (d’environ 15 %) des dons en 2020. Nous avons vu deux explications à cela : d’abord des contributions élevées à des campagnes liées à l'accueil et à la prise en charge des patients Covid, principalement via la Fondation Roi Baudouin, au cours du premier semestre ; ainsi que l'effet stimulateur de la réduction fiscale majorée de 60% pour les dons, principalement au cours des derniers mois de 2020.
Personne ne pouvait prédire ce qui allait suivre. Eh bien, en 2021, le montant total des dons pour l'intérêt social dans notre pays est resté en moyenne quasi stable par rapport à 2020. La moyenne cache probablement un certain nombre de nuances au sein du secteur. Par exemple, le volume des dons à la Fondation Roi Baudouin a ‘évidemment’ baissé, en l'absence de nouvelles campagnes en lien avec le Covid et les hôpitaux, mais il s'élève tout de même au double de celui de 2019. En revanche, les inondations lors de la l'été 2021 ont provoqué une grande vague de solidarité. Si l'on tient compte du fait qu'une véritable reprise de la vie sociale et des activités des associations, dont le fundraising, n'a démarré qu'à partir de l'été, la générosité a bien résisté en 2021.
Bien que le montant total des dons n'ait pas augmenté de manière significative en 2021, le revenu propre total dans le secteur a - en moyenne - considérablement augmenté. L'explication vient des revenus des legs, qui ont parfois augmenté de 50 à 70 % en 2021, par rapport à 2020. La forte surmortalité, notamment parmi les personnes âgées due au Covid, est une explication crédible, mais pas la seule. En effet, sur une période de cinq ans, nous voyons la proportion des legs par rapport aux dons aux bonnes causes passer de 20 à 30 % à 40 à 60 %. En 15 ans, le montant total des dernières volontés en faveur de l'intérêt sociétal a quadruplé, pour atteindre environ 800 millions d'euros ... Si les décès sont imprévisibles, les héritages sont néanmoins devenus pour les associations non seulement une source de revenus importante mais stable également. Avec cette réserve : même si les legs gagnent clairement en importance dans l'ensemble du secteur associatif, les revenus des legs sont inégalement répartis. Un nombre assez limité d'organisations sont les bénéficiaires des legs les plus nombreux et les plus importants.
Ce que l'année 2022 signifiera pour la générosité dans notre pays est encore un mystère pour le moment. Les premiers échos du secteur pointent vers une baisse des dons, mais il faudra bien attendre fin 2023 pour le confirmer ou infirmer...
Erik Todts, président de l’AERF